Celia Pym, Flying Gold Cape Table des Matières
Depuis 2016, l’artiste britannique Celia Pym mène un projet de recherche portant sur la restauration de costumes de scène déposés par la Société des Bains de Mer au Nouveau Musée National de Monaco.
Cette recherche a donné lieu à deux séries de performances dont la dernière, intitulée Flying Gold Cape, s’est déroulée en 2018 en Islande, au Royaume Uni et à Monaco.
Le concept est simple : les costumes ont été conçus pour la performance et ils devraient être de nouveau portés et appréciés sur scène.
Les films et photographies résultant de ces performances constitueront une œuvre de Celia Pym et seront conservés au NMNM.
En 2016, le Nouveau Musée National de Monaco m’a confié la restauration d’une grande cape dorée en soie et coton, ornée de milliers de paillettes. L’histoire de ce magnifique vêtement demeure un mystère. En marge de sa collection inventoriée provenant de l’Opéra de Monte Carlo, le musée possède des costumes de scène très détériorés et des cartons contenant des fragments de tissus. Ces pièces ne sont pas inventoriées et constituent « une collection d’étude ». La cape dorée en faisait partie. Il n’existe pas d’archives la concernant. On ne sait pas pour quel ballet elle fut créée, ni pour quel personnage, ni pour quel danseur disparu depuis longtemps, ni combien de fois elle fut portée.
Au printemps de cette année-là, j’emporte la cape en Islande, à l’occasion d’une résidence au Textílsetur Íslands, le Centre islandais du textile. Je la prends avec moi car elle a encore besoin de beaucoup de soins et je dois souvent terminer des commandes où que je me trouve. Mais je l’emmène aussi parce que j’aime l’idée de transférer un objet créé sur les bords de la Méditerranée jusqu’au nord-est de l’Islande. Je la répare peu à peu, faufilant la doublure en soie sur l’extérieur en coton, fixant les fragments de soie qui menacent de se détacher et réalignant les paillettes en lignes plus ou moins droites.
Tout en raccommodant, je m’interroge : quelle allure a la cape lorsqu’elle est portée ? Comment tombe-t-elle ? À quoi servent les deux « poignées » ? Est-elle agréable à porter ? Je rencontre la proviseure adjointe d’un établissement scolaire et lui demande si ses élèves auraient envie d’essayer le vêtement, de voir comment il a été restauré, de découvrir son passé à l’opéra de Monte Carlo. Elle est enthousiaste. Un groupe d’enfants se rend au centre culturel local : ils dansent avec la cape et prennent la pose devant le fond de scène bleu parsemé d’étoiles. Après leur départ, un groupe d’adultes qui assistaient à l’événement essaient la cape à leur tour, sur scène puis sur le parking où ils dansent au son d’une musique qui s’échappe du bâtiment. Tout le monde s’est beaucoup amusé ce jour-là.
De retour en Angleterre, je repense à cette expérience que constitue le fait même d’endosser la cape. Les enfants l’ont portée avec une telle facilité. Elle se superposait si facilement aux tenues quotidiennes… Je me rappelle aussi qu’ils se sont transformés très naturellement en « personnages » lorsqu’ils l’ont revêtue. Je me souviens par-dessus tout de la simplicité de cet après-midi. Je n’ai pas eu grand chose à expliquer à propos de cette cape…
Alors j’écris au musée : « La cape est réparée et prête à voyager. Je vous propose donc le projet Flying Gold Cape. Il se composera de séances au cours desquelles différentes personnes, en différents lieux situés dans trois pays, porteront la cape. Les gens pourront essayer ce costume, se déguiser et se métamorphoser, tout en découvrant la restauration dont il a bénéficié. Il s’agit de prendre plaisir à revêtir un vêtement ancien et à le manipuler sans craindre de l’abîmer car il peut à tout moment être à nouveau réparé. »
Le musée a accepté le projet et, au printemps 2018, je suis partie en tournée avec la Cape d’or, en compagnie du photographe Michele Panzeri. Chaque étape s’est déroulée de façon différente. À Blönduós, en Islande, le groupe a défilé dans le village à la recherche de paysages naturels aussi beaux que spectaculaires pour servir de toile de fond ; les femmes d’un club de tricot et de broderie ont endossé le vêtement ; une agricultrice a posé devant sa ferme avec la cape ; une tisserande a fait de même sur la terrasse de son atelier. Au Cap fleuri, maison de retraite monégasque, des pensionnaires ont revêtu la cape, chanté et paradé, le public se joignant parfois à eux et chantant en chœur ; des aides-soignantes s’en sont parées dans le jardin. Des employés du musée de Monaco l’ont portée sur leur lieu de travail. À l’Opéra Garnier de Monaco, sa maison natale, des figures drapées dans la cape ont tenu la vedette sur scène et dans la salle. À Londres, les enfants d’une école primaire ont dessiné des capes imaginaires puis revêtu la Cape d’or et défilé avec le plus grand sérieux dans l’école, se photographiant les uns les autres, avant de s’élancer dans la cour pour la faire voler derrière eux.
À Blönduós, Monaco et Londres, soixante-trois personnes ont endossé la cape. Celle-ci s’est détériorée, des fragments de soie se sont envolés à chaque étape. Elle est désormais plus élimée et plus usée. Il a fallu la réparer à nouveau. Ainsi cette Cape d’or a eu une seconde vie, tout à fait inattendue, tout aussi variée et extraordinaire que la première qui résonne aujourd’hui en nous
Celia Pym, artiste textile, vit et travaille à Londres. Ses travaux ont figuré récemment dans les expositions suivantes : «Between Things» (The Minories, Colchester), «LOVE the YARN: Lasmin Salmon in collaboration with Celia Pym» au Festival of Love 2015 (Royal Festival Hall, Southbank Center, Londres) et «What do I need to do to make it OK?» (Pump House Gallery, Londres). En 2017, elle compte parmi les finalistes sélectionnés pour le premier Loewe Craft Prize, dont les œuvres ont été exposées au Colegio Oficial de Arquitectos de Madrid (COAM), à la Chamber Gallery de New York et à la 21_21 Gallery de Tokyo ; cette même année elle figure également parmi les finalistes pour le Woman’s Hour Craft Prize, dont les œuvres ont été exposées au Victoria & Albert Museum de Londres, partenaire de l’évènement. En 2018, elle obtient la Penland UK Craft Fellowship. Elle est actuellement professeur d’art textile invitée au Royal College of Arts.
Commissaire de l’exposition : Célia Bernasconi
Commande du Nouveau Musée National de Monaco avec le soutien du Gouvernement princier de Monaco
Photographies © Celia Pym et Michele Panzeri