Ali Kazma
L’entrée de l’art vidéo et de l’art numérique dans le champ de l’art contemporain est relativement récente. Ils constituent des tendances particulièrement novatrices de l’art du XXIe siècle. Le Nouveau Musée National de Monaco a donc décidé de leur consacrer un nouveau programme, les « Winter Video Days ».
Pour cette première édition, l’artiste mis à l’honneur est le vidéaste turc Ali Kazma, dont la pratique s’articule autour des médias photographiques et filmiques. Ses œuvres soulèvent des questions fondamentales sur le sens des activités auxquelles se livrent les hommes. Que ce soit dans les champs économique, industriel, scientifique, médical, social ou artistique, chacune de ses vidéos interrogent les évolutions à l’œuvre dans nos sociétés, constituant progressivement une vaste archive de la condition humaine. L’artiste photographie et édite lui-même toutes ses vidéos.
L’ exposition s’articule autour de trois vidéos :
Top Fuel (2020). Cette vidéo d’une quinzaine de minutes est consacrée à Anita Mäkelä, pilote finlandaise de dragster. Sa réalisation a exigé du vidéaste de lointains déplacements en Californie, en Allemagne puis en Suède, sur le lieu même des compétitions. C’est paradoxalement en usant de longs plans séquences qu’Ali Kazma parvient à nous plonger dans l’espace-temps intense du dragster. Il montre la méticuleuse et patiente préparation nécessaire à Anita Mäkelä et à son équipe pour faire sentir par contraste le caractère foudroyant de ses courses. C’est par là que Top Fuel excède son sujet : plutôt qu’un documentaire sur le dragster, il s’agit d’une méditation sur le temps et la quête d’absolu.
La vidéo est complétée par une série de photographies réalisées lors de sa préparation.
A House of Ink (2022) et Sentimental (2022). Comment rendre compte de l’activité la moins cinégénique qui soit, l’écriture ? C’est la question à laquelle Ali Kazma a été confronté en acceptant la proposition de son compatriote Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature, de venir le filmer chez lui dans le grand appartement vide et lumineux qu’il occupe à Istanbul dans le quartier de Cihangir.
Dans une première vidéo, A House of Ink (2022), Ali Kazma présente sur trois écrans une succession de détails de l’appartement de l’écrivain turc, ses manuscrits, sa bibliothèque, de brefs moments de vie, etc., comme si cet intérieur révélait, serait-ce de manière allusive, son monde intérieur. Comme s’il était, non pas seulement le lieu, mais aussi le moyen de la création.
Une seconde vidéo, cette fois projetée, Sentimental (2022), née d’un bref échange survenu entre l’écrivain et le vidéaste après des journées entières de prises de vues silencieuses, vient confirmer cette intuition. On y voit Pamuk dédicacer des livres à la chaîne tout en s’interrogeant sur ces deux sortes d’artistes que sont le « naïf » qui parcourt le monde pour trouver l’inspiration et le « sentimental » qui, comme lui, a besoin pour créer de la quiétude et de l’immuabilité de ce qu’on pourrait appeler « une chambre à soi ».
Né en 1971, Ali Kazma vit entre Istanbul et Paris. Il a obtenu sa licence à l’université du Colorado à Boulder et sa maîtrise à la New School University de New York. L’artiste, qui a représenté la Turquie à la 55e Biennale de Venise- Pavillon de la Turquie en 2013, a bénéficié d’une exposition monographique au Jeu de Paume à Paris en 2017. Parmi les principales expositions personnelles d’Ali Kazma, on peut citer Albergo Diurno Venezia (Milan, 2018), MUNTREF (Buenos Aires, 2018), Arter (Istanbul, 2015), Hirshhorn Museum (Washington, 2010), TANAS (Berlin, 2010) et Platform Garanti (Istanbul, 2004).
Les œuvres de l’artiste figurent dans de nombreuses collections institutionnelles telles que le CNAP (Paris), l’Istanbul Modern, la MEP (Paris), le MONA (Tasmanie), le Sztuki Museum (Lodz), la Tate Modern (Londres), le TBA21 (Vienne), la collection de la Fondation Louis Vuitton (Paris) ou encore la collection de la Fondation VKV (Istanbul).
En écho à la vidéo Top Fuel, un dragster Rail Milwaukee (2012), prêté par l’association Custom-Gang-Racing, est présenté à la Collection de voitures de S.A.S. le Prince de Monaco.
Commissaire de l’exposition : Guillaume de Sardes
Dans le cadre du programme Winter Video Days
Entrée gratuite