Alexander Calder – Quatre Lances, 1964
Le 4 décembre 2024, Quatre lances d’Alexander Calder sera inaugurée sur la place Princesse Gabriella à Mareterra.
Histoire
En 1964, la Fondation Maeght commande à Alexander Calder un grand mobile sur pied pour un miroir d’eau à Saint-Paul-de-Vence. Exécutée par Calder dans son atelier à Saché, en Indre-et-Loire, la sculpture s’avère trop grande pour l’emplacement initialement prévu et n’y est finalement pas installée.
En 1966, l’œuvre est acquise par la Principauté selon le souhait de la princesse Grace et inaugurée la même année sur l’esplanade du Hall du Centenaire à Monaco en présence du prince Rainier et de la princesse Grace ainsi que d’Alexander Calder et de son épouse Louisa.
Restauration
Quatre lances est installée en 1966 sur l’esplanade du Hall du Centenaire, à Monaco. Les vents méditerranéens ont rapidement raison des éléments mobiles, et l’œuvre est renvoyée en France pour y être traitée afin de la protéger. En 1985, la construction du Forum Grimaldi entraîne le déplacement définitif de la sculpture de l’esplanade. Au début des années 1990, elle est installée dans le parc Fontvielle. En 2006, il commence à être question de la restauration de Quatre lances, alors que l’œuvre est confiée au Nouveau Musée National de Monaco.
En 2007, le NMNM a commandé un rapport détaillé sur l’état de l’œuvre, qui a été désinstallée et stockée dans des caisses dans les réserves du musée à Nice. Après de premières discussions en 2008, un accord entre la Fondation Calder et le NMNM a été signé en 2011 concernant la restauration et les principes de présentation de l’œuvre.
Lorsque, en juin 2018, l’idée d’installer Quatre lances à Mareterra est lancée, l’Anse du Portier et la Fondation Calder s’associent afin de mener le projet à bien. Si Quatre lances n’a jamais été placée à l’endroit où elle était destinée à l’origine, son installation à Mareterra concrétise deux intentions de l’artiste : l’œuvre est située au-dessus d’un miroir d’eau et elle s’apprécie en interagissant avec l’architecture autour. Après son inauguration, Quatre lances restera confiée au Nouveau Musée National de Monaco.
La collaboration avec Renzo Piano
La longue histoire entre Renzo Piano et Alexander Calder débute avec l’immense projet que l’architecte conçoit pour la plus grande exposition de l’œuvre de Calder à ce jour, Calder: Mostra retrospettiva, qui se tient du 2 juillet au 25 septembre 1983. Piano transforme le Palazzo a Vela, un bâtiment polyvalent situé à Turin, pour lui permettre d’accueillir plus de 450 œuvres de l’artiste. Plus tard, en 2018, Piano conçoit l’exposition Calder Stories, présenté au Centro Botín, le centre d’art qu’il a créé à Santander, en Espagne.
La genèse du projet Quatre lances jaillit de la rencontre entre Alexander S. C. Rower, président de la Calder Foundation, et Renzo Piano, suivie d’une collaboration étroite entre les équipes de la fondation, de RPBW et de l’Anse du Portier. Lors de leurs premiers échanges, Rower demande à l’architecte de créer pour Quatre lances un « musée à œuvre unique », ouvert sur le ciel et s’appuyant sur la conception originale de 1964 autour de l’art, de l’eau et de la structure.
“La collaboration sur ce projet à Mareterra avec Renzo, dont la sagesse sur l’espace résonne profondément avec l’œuvre de mon grand-père, a été un processus extraordinairement gratifiant. Ouvert sur le ciel, ce musée à art unique pour Quatre lances redonne vie à l’intention originale de Calder : une synthèse de l’art, de l’eau et du lieu.”
À propos de Quatre lances
Quatre lances est une œuvre in situ, où le miroir d’eau fait partie intégrante de la sculpture. À première vue, le mobile semble être composé de tiges en acier inoxydable non peintes et d’éléments mobiles peints en noir. Quatre de ces mobiles sont horizontaux et donnent l’impression de flotter juste au-dessus de l’eau. En y regardant de plus près, on découvre que leurs pans inférieurs reflètent les couleurs à la surface de l’eau. Calder s’intéresse beaucoup à la création d’œuvres répondant à un lieu précis. Dans une interview publiée en 1962, il déclare : « Tout ce que je fais me semble plus réussi si je le crée pour un endroit particulier. »[1] Il tient également à ce que ses œuvres en extérieur interagissent avec l’architecture : « La plupart des architectes ou des urbanistes veulent à toute force placer mes objets devant des arbres ou de la verdure. Ils font une énorme erreur. Mes mobiles et mes stabiles doivent être mis sur des espaces libres, comme des places, ou devant des immeubles modernes. »[2]
L’un des aspects les plus importants de Quatre lances est la relation que l’œuvre entretient avec l’eau, une idée qui préoccupe Calder pendant la majeure partie de sa carrière artistique. Vers la fin des années 1930, l’artiste conçoit un ballet d’eau pour le pavillon de la Consolidated Edison Company, lors de l’Exposition universelle de New York en 1939. Calder imagine un ballet d’une durée de cinq minutes constitué de plusieurs chorégraphies effectuées par des jets d’eau jaillissant d’embouts installés dans un bassin devant le pavillon. L’installation des jets a bien lieu tout autour du pavillon, cependant l’œuvre ne sera jamais exécutée. En 1954, l’architecte Eero Saarinen commande à Calder une fontaine à placer dans un lac artificiel de neuf hectares, situé devant le bâtiment du centre technique de General Motors à Warren, dans le Michigan. L’artiste conçoit une œuvre éphémère intitulée Water Ballet, qui reprend son idée de la fin des années 1930. Deux ans plus tard, Calder reçoit une commande pour réaliser The Whirling Ear à l’occasion de l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles en 1958. Il place son mobile sur pied de grand format dans un bassin ovale entouré de jets d’eau près du pavillon des États-Unis, créé par l’architecte Edward Durell Stone. Vers la fin de sa vie, Calder réalise en 1972 le stabile monumental Stegosaurus pour l’Alfred E. Burr Memorial Mall à Hartford, Connecticut, où il plane au-dessus d’une fontaine circulaire. Quatre lances s’inscrit dans cette lignée d’œuvres qui témoignent de l’importance du rôle joué par l’eau dans les œuvres publiques de grandes dimensions de Calder.
Si la sculpture s’intitule Quatre lances, il faut toutefois préciser que Calder n’accorde pas de signification particulière au titre de ses œuvres. À propos d’un de ses premiers mobiles sur pied, en 1932, il déclare : « Il n’a ni utilité ni signification. Il est simplement beau. Si on le comprend, il a un grand effet émotionnel. Il serait bien évidemment plus facile à comprendre s’il signifiait quelque chose, mais cela n’en vaudrait pas la peine. » [3] Ses sculptures sont non objectives et leurs titres, choisis après le geste créatif, sont souvent basés sur de vagues associations de formes.
Alexander Calder
Alexander Calder (1898-1976) met en œuvre son génie novateur pour changer le cours de l’art moderne. Né dans une famille d’artistes célèbres de formation plutôt classique, Calder débute en développant une nouvelle méthode pour sculpter : en pliant et tordant du fil de fer, il « dessine » en quelque sorte des figures tridimensionnelles dans l’espace. Il est réputé pour l’invention du mobile, dont les éléments abstraits, suspendus, bougent et se balancent dans une harmonie sans cesse renouvelée. Épinglé par Marcel Duchamp en 1931, le mot « mobile » se réfère à la fois au « mouvement » et au « motif ». Les premiers mobiles de Calder sont parfois actionnés par un système de motorisation, une technique abandonnée au fil du temps à mesure que l’artiste développe des mobiles réagissant aux courants de l’air, à la lumière, à l’humidité et à l’interaction humaine. Il crée également des œuvres abstraites immobiles, surnommées « stabiles » par l’artiste Jean Arp.
À partir des années 1950, Calder se tourne vers des commandes internationales et se consacre essentiellement à la réalisation de sculptures extérieures de grandes dimensions, fabriquées avec des plaques d’acier boulonnées. Parmi ces commandes majeures : 125, pour la New York Port Authority, à l’aéroport John F. Kennedy (1957) ; Spirale, pour l’Unesco, à Paris (1958) ; Teodelapio, pour la ville de Spoleto, Italie (1962) ; Trois disques, pour l’Exposition universelle de Montréal (1967) ; El Sol Rojo, pour les Jeux olympiques de Mexico (1968) ; La Grande vitesse, qui fut la première œuvre publique financée par le National Endowment for the Arts, pour la ville de Grand Rapids, Michigan (1969) ; et Flamingo, pour la General Services Administration de Chicago (1973).
De son vivant, Calder fait l’objet de plusieurs rétrospectives majeures : à la George Walter Vincent Smith Gallery de Springfield, Massachusetts (1938) ; au Museum of Modern Art de New York (1943-44) ; au Solomon R. Guggenheim Museum de New York (1964-65) ; au Museum of Fine Arts de Houston (1964) ; au Musée national d’art moderne de Paris (1965) ; à la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, France (1969) ; et au Whitney Museum of American Art de New York (1976-77). Calder décède à New York en 1976 à l’âge de 78 ans.
[1] Calder cité dans Katharine Kuh, « Alexander Calder », The Artist’s Voice: Talks with Seventeen Artists, Harper & Row, New York et Evanston, Illinois, 1962, p. 42.
[2] Calder cité dans Maurice Bruzeau, Calder à Saché: Éditions Cercle d’Art, Paris, 1975), p. 15
[3] Calder cité dans « Objects to Art Being Static, So He Keeps It in Motion », New York World-Telegram, 11 juin, 1932.